lundi 7 décembre 2015

La propriété de son corps et la prostitution

La prostitution (du latin prostitutio) est une forme d'échange économico-sexuel ponctuelle, explicite et préalablement négociée. Bien que pratiquée par les membres des deux sexes, elle est majoritairement exercée par les femmes auprès d'hommes. Le statut légal de la prostitution varie selon les pays et peut également être classé de l'illégalité aux activités légales professionnelles. En 2010, les revenus annuels de la prostitution sont estimés à plus de 187 milliards de dollars.



La prostitution n'a pas toujours été "immorale".


Présente dans certaines civilisations préhistoriques, la prostitution n’a pas toujours été « immorale », au début sacrée, elle se réduisit progressivement à un culte sexuel. Les cultes de la déesse-amante, présents dans la plupart des sociétés anciennes, ont pour rite essentiel l'union sexuelle des hommes avec les prostituées sacrées, ces unions sont destinées ressourcer la force génitale des fidèles masculins et cette force était censée étendre ses effets positifs sur la fertilité des troupeaux et des sols. L’intensité symbolique et la violence qui pouvait résulter de l’acte de prostitution étaient équilibrées par des rituels symboliques très forts et déconnectés autant que possible du pouvoir que procure l’argent.
C’est dans la Grèce antique que l’on voit apparaître la prostitution sous sa forme actuelle. A Athènes, des établissements municipaux consacrés à la prostitution existaient dans tous les quartiers de la ville, la justification officielle était d’offrir aux célibataires la possibilité d'assouvir leurs désirs sans s'en prendre aux femmes mariées et aux jeunes filles des citoyens libres.
La prostitution est florissante dans la Rome antique, elle se présente sous des formes multiples : les prostituées se trouvent en maison, dans des auberges, dans des loges, ou dans la rue, devant les arcades comme devant la porte de leurs domiciles. La civilisation judéo-chrétienne développe la condamnation prohibitionniste depuis les premiers temps du judaïsme. Le mariage représente le fondement de la société. Progressivement, l’interdiction de la prostitution s'impose en parallèle de l'adoption du christianisme. La prostituée est alors frappée d’indignité jusqu’à sa mort. Dans les faits la situation est complexe et montre toute la fragilité de la moralité romaine. La prostitution est à la fois illicite moralement, immorale pour certains et tout à fait légitime pour d’autres.
En France, les premières répressions officielles voient le jour sous le règne de Charlemagne où toute femme prise en flagrant délit de prostitution est fouettée nue en place publique. Malgré leur inefficacité, les mesures répressives, sont maintenues jusqu'au 12e siècle. À cette date, une relative période de tolérance commence, accompagnée d'une réglementation adaptée.
Au 16è siècle, suite aux ravages de la syphilis venue du Nouveau Monde qui touche toutes les couches de la société, l’opprobre sur la sexualité hors des liens du mariage réapparaît fortement dans toute l'Europe.
Louis XIV prend des mesures très sévères contre la prostitution en faisant punir physiquement aussi bien les prostituées que les clients. Cette logique sera appliquée jusqu'à la Révolution.
Après la chute de l'Ancien Régime, les prostituées circulent librement souvent vêtues avec extravagance dans les rues de Paris, notamment dans le quartier du Palais-Royal qui, à cette époque, était un des lieux principaux de la prostitution parisienne. Toute personne intéressée par les prostituées pouvait également connaître leurs noms et leurs spécialités.
Le 19è siècle voit l’émergence d’une certaine tolérance et des tentatives d’encadrement juridique et sanitaire sont réalisées.
La France, qui a été le pays d'origine du réglementarisme, change d'orientation en 1946 et prend des mesures qui l’entraîne dans la direction de l’abolition, suite à la loi dite « Marthe Richard » L'article premier de cette loi stipule : « Toutes les maisons de tolérance sont interdites sur l'ensemble du territoire national » En d'autres termes, les maisons clauses et les bordels sont interdits...

La prostitution en France


En France, la prostitution est autorisée (à l'exception des mineurs et des personnes vulnérables comme les femmes enceintes ou les handicapés), mais le racolage et le proxénétisme sont interdits, y compris le racolage passif, le proxénétisme hôtelier et le proxénétisme de soutien (aide, assistance ou protection de la prostitution). Tirer profit de la prostitution entre dans cette dernière catégorie mais cette interdiction est particulièrement critiquée, car elle est susceptible d'incriminer indistinctement tout l'entourage d'une prostituée : compagne ou compagnon, enfants majeurs, amis, collègues.. Les revenus des prostituées sont assujettis à l'impôt, ce qui fait parfois qualifier l'état de « premier proxénète de France »..
La politique française vis-à-vis de la prostitution est indécise, d’une tendance abolitionniste depuis 1946, récemment (sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy alors ministre de l’intérieur, en 2003) une loi concernant la sécurité intérieure élargit la notion de racolage. Désormais la notion de racolage passif aggrave cette infraction en la transformant en délit. Ce choix semble unanimement condamné par les spécialistes du milieu d’aide aux prostituées. François Hollande avait d’ailleurs promis son abrogation, lors de sa campagne électorale.
En 2010, 1 367 personnes ont été mises en cause pour racolage par la police nationale. L’estimation officielle de 20 000 personnes pratiquant actuellement la prostitution, dont 90% d'étrangers serait largement sous estimée.En établissant le délit de racolage passif qui traque les prostituées, le gouvernement de cette époque a préféré donner des outils à la police pour rendre moins voyante la prostitution de rue. Par contre la lutte contre le proxénétisme n’a pas du tout été renforcée et la condition de vie des prostituées rendue encore plus difficile au quotidien. L’annonce récente de la Ministre Najat Vallaud-Belkacem (si celle-ci devait être confirmée dans les faits) signifierait un basculement complet de la France dans le camp des abolitionnistes.
Contrairement à ce qu’il se passe en Allemagne, les prostituées ne semblent pas souhaiter devenir salariées. Elles préfèreraient travailler en coopérative, auto-gérées, sans proxénète, sans patron, elles ont une volonté d’indépendance. Il faut aussi accorder un statut à ces personnes, qu’elles aient les mêmes droits sociaux que tout le monde.
Le mouvement du nid est une association qui défend l’abolition de la prostitution, de son côté, la directrice de recherche au Cevipof et spécialiste de la prostitution, Janine Mossuz-Lavau dénonce une stigmatisation supplémentaire pour les prostitués. Elle souligne aussi l’hypocrisie de l’état qui fait payer des impôts à des personnes dont il condamne l’activité.   



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire